Le DME : un outil maintenant indispensable aux médecins

Par Rashaad Bhyat

Nous vivons à l’ère de l’information.

La médecine, tout particulièrement, connaît une rapide expansion du volume de ses connaissances1, et les médecins doivent gérer cette information avec efficience pour bien l’appliquer aux soins qu’ils donnent.

On observe en même temps un vieillissement de la population du pays. En 2036, les personnes âgées formeront le quart de la population2. Les Canadiens vivent plus vieux, ce qui fait augmenter le fardeau des maladies chroniques, de sorte que les médecins doivent s’occuper de patients qui présentent de multiples problèmes de santé dont la complexité va croissant.

Les dossiers papier ne permettent plus de gérer adéquatement l’information sur la santé d’un patient au 21e siècle.

Les dossiers médicaux électroniques (DME) sont des systèmes informatiques que les médecins utilisent dans leur cabinet pour gérer l’information sur les patients. Les DME ont récemment été visés par des reportages défavorables dans les médias grand public, principalement au Sud de la frontière, où ils sont appelés dossiers de santé électroniques (DSE).

Toutefois, l’expérience des États‑Unis ne saurait s’appliquer à tous, et on ne peut pas faire de parallèle direct avec celle que connaît le Canada.

Grosso modo, les systèmes de DME utilisés au Canada ont les capacités suivantes :

  • Ils permettent aux médecins de se connecter à des dépôts de données tirées des DSE et des hôpitaux locaux (contenant de l’information comme des rapports de spécialistes, des données de laboratoire, des données d’ordonnance, par exemple). Les médecins ont ainsi accès à l’information vitale dont ils ont besoin pour donner des soins éclairés.
  • Ils sont propices à des soins plus sûrs et de meilleure qualité. Ils peuvent, par exemple, réduire le nombre d’analyses reprises inutilement.
  • Ils améliorent l’efficience de la gestion des cabinets de médecin, libérant le personnel pour des tâches plus importantes.
  • Ils favorisent une gestion efficace de l’information sur les patients, à l’échelle de la santé de la population, puisque l’analyse des données du DME peut procurer aux cliniciens un aperçu précieux de la santé de leurs patients.
  • Ils préparent le terrain à la mise en place de services axés sur les patients, comme la prise de rendez-vous électronique, qui peut réduire le nombre de rendez‑vous manqués et améliorer la satisfaction du personnel.
  • Ils inciteront les cliniciens à adopter la culture d’amélioration continue de la qualité générée par le DME.
  • Ils permettent d’éliminer les notes de cliniciens illisibles, favorisant du même coup la clarté et la sécurité de la communication entre les professionnels de la santé (particulièrement ceux qui travaillent en équipe).
  • Ils facilitent la gestion des médicaments et forment la base de la véritable ordonnance électronique, qui peut accroître la sécurité des patients et réduire les possibilités d’ordonnances frauduleuses ou de mauvaise utilisation des médicaments.

Un article du Dr Adam Stewart récemment paru dans le Medical Post vient appuyer certains de ces arguments à l’aide d’exemples cliniques très convaincants.

Un autre article, paru celui‑là dans la revue Canadian Family Physician sous la plume de la Dre Michelle Griever et de son équipe, décrit pourquoi, en dépit des lacunes qu’on lui attribue, la plupart des médecins canadiens ne délaisseraient pas le DME pour revenir aux dossiers papier.

Nous en sommes à une phase relativement précoce de l’adoption du DME. Ce n'est que tout récemment que nous avons franchi l’étape majeure des 85 % des médecins de première ligne ayant adopté le DME au pays, selon les résultats de l’étude de l’AMC sur l’effectif médical 2017, et de nombreux médecins n’utilisent pas leur DME à pleine capacité.

Il ne faut pas oublier que l’intégration de nouvelles technologies à la pratique clinique est un gros changement pour les médecins et que le changement n’est pas facile. Voilà pourquoi les Drs Thomas Bodenheimer et Christine Sinsky ont proposé d’étendre le louable triple objectif de l’IHI (améliorer l’expérience vécue par le patient, améliorer la santé de la population et réduire les coûts) pour y ajouter un autre objectif, soit d’appuyer les personnes responsables de la prestation des soins. Les réseaux de pairs cliniciens, les groupes d’utilisateurs de DME et le soutien accordé aux stratégies de gestion du changement peuvent contribuer à sa réalisation.

Les DME et les systèmes connexes sont devenus des outils essentiels pour le médecin d’aujourd’hui. Leur utilité est appelée à croître à mesure que la médecine adoptera une culture d’amélioration continue de la qualité grâce aux fonctions offertes par les systèmes de santé numériques. Les DME vont se perfectionner avec le temps, tout comme l’automobile est passée de la Ford Modèle T à la Tesla Modèle 3.

Un jour, on se demandera en regardant tout ça pourquoi on s’est tant énervé.

[1] Health Professionals' Education in the Age of Clinical Information Systems, Mobile Computing and Social Networks, chapitre 17
[2] Statistique Canada, Annuaire du Canada 2012


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À propos de l'auteur
Rashaad Bhyat

Rashaad Bhyat

Le Dr Rashaad Bhyat est responsable de l'engagement des cliniciens chez Inforoute Santé du Canada. Médecin de famille et grand adepte de la santé numérique, il conseille Inforoute depuis 2011 sur des sujets tels que les soins virtuels, l'adoption et l'optimisation du DME, l'ordonnance électronique, la télésurveillance des patients et l'accès des patients à leurs dossiers médicaux. Il exerce actuellement dans une clinique de médecine familiale dotée d'un DME dans la région du Grand Toronto.